Revue n° 20, 1995
Vers une humanité prospère
La déclaration ci-après a été présentée au Sommet mondial pour le développement social par la Communauté internationale bahá’íe, le lundi 6 mars 1995, le premier jour du Sommet. Lu en séance plénière par M. Jaime Duhart, ce texte est l’une des quatre déclarations d’ONG présentées ce jour-là. M. le président, distingués collègues et représentants distingués, la Communauté internationale bahá’íe se félicite de l’occasion qui lui est ici donnée de s’adresser au Sommet mondial pour le développement social en séance plénière, sur le thème d’une humanité prospère.
A peine imaginable il y a seulement dix ans, l’idéal d’un monde en paix prend aujourd’hui forme et substance. Des obstacles qui longtemps paraissaient insurmontables se sont effondrés, des conflits qui semblaient insolubles commencent à céder devant un esprit de dialogue et une volonté de solution; le désir d’opposer une action internationale unie à l’agression militaire se manifeste peu à peu. On voit ainsi naître chez les peuples et de nombreux dirigeants une certaine confiance dans le devenir de notre planète, un espoir qui a bien failli mourir.
A travers le monde, d’immenses énergies intellectuelles et spirituelles cherchent à s’exprimer et la pression qu’elles exercent est à la mesure des frustrations des décennies écoulées. Partout, les peuples de la terre affirment leur désir de voir la fin des conflits, des souffrances et de la ruine dont nul pays n’est plus à l’abri. Il faut tirer partie de ces nouvelles aspirations au changement pour vaincre les dernières résistances à la concrétisation du rêve séculaire d’une paix mondiale. Cette entreprise exige un effort de volonté impossible à obtenir par de simples appels à lutter contre les innombrables maux qui affligent l’humanité. Cet effort sera motivé par la perspective d’une humanité prospère dans tous les sens du terme, autrement dit une humanité consciente des possibilités du bien-être matériel et spirituel désormais à sa portée. Tous les habitants de la planète sans exception devront en bénéficier sans qu’y soient imposées des conditions sans lien aucun avec les finalités essentielles de cette révolution dans les relations entre les hommes.
La prochaine étape de la marche en avant de la civilisation ne pourra être franchie sans une remise en cause préalable des théories actuelles sur la nature et le but du développement ainsi que sur le rôle de ses divers protagonistes. La tâche de concevoir une stratégie mondiale de développement pour promouvoir le bien-être matériel et spirituel de l’ensemble des habitants de la planète implique un défi : reconstruire de fond en comble toutes les institutions de la société. Pour élaborer et mettre en œuvre une stratégie de ce type, l’adhésion aux principes suivants revêt une importance capitale :
•Les programmes et les politiques de développement doivent se fonder sur une reconnaissance inconditionnelle de l’unité de l’humanité, l’engagement d’établir la justice, principe d’organisation de la société, et une détermination sans faille d’exploiter au maximum toutes les possibilités qu’un dialogue systématique entre ceux qui forment le génie scientifique et religieux du genre humain peut apporter à l’homme pour développer ses talents.
•Le processus de développement doit impliquer toute l’humanité, autrement dit les membres des institutions dirigeantes à tous les niveaux, les fonctionnaires des organismes internationaux de coordination, les hommes de sciences, les sociologues, les artistes, ceux qui ont accès aux médias, et les dirigeants des organisations non gouvernementales.
•L’établissement de l’égalité pleine et entière entre femmes et hommes, dans tous les domaines de la vie et à tous les échelons de la société, doit constituer un objectif primordial.
•Tout en reconnaissant la grande diversité de leurs aptitudes, il est nécessaire de donner à tous les habitants de la planète un accès égal à la science et à la technologie.
•Il faut placer au cœur du processus un modèle de concertation qui donne aux participants les moyens d’aller au-delà de leurs points de vue respectifs et de se comporter comme les membres d’un seul organisme ayant des intérêts et des objectifs communs.
•Les questions spirituelles de l’humanité doivent occuper une place prépondérante. Pour la vaste majorité de la population mondiale en effet, l’idée que la nature humaine a une dimension spirituelle – voire que son identité fondamentale est spirituelle – est une vérité qui n’a nul besoin d’être démontrée.
•Une nouvelle « éthique de travail », fondée sur un esprit de service à l’humanité, s’impose. A cette fin, une formation aux habitants de la planète pour participer à la production de la richesse devra s’inspirer de la conception spirituelle selon laquelle servir l’humanité est à la fois le but de la vie d’un individu et celui de l’organisation de la société.
•Le besoin de créer de nouveaux modèles économiques se fera sentir, structurés par la compréhension que le partage et les relations entre les êtres humains sont une expérience fructueuse, et que la famille et la communauté jouent un rôle primordial pour le bien-être social.
•Le concept de l’unité de l’humanité doit être accepté sans réserves par ceux qui ont la responsabilité de prendre des décisions, et les principes qui en découlent, notamment la citoyenneté mondiale, doivent être propagés par les systèmes d’éducation et les organes de communication de masse.
•La participation des hommes à leur propre destin s’accélérant, ceux qui seront choisis pour prendre des décisions collectives au nom de la société, seront de plus en plus contraints d’orienter leurs efforts vers une perspective mondiale. Au niveau national bien entendu, mais aussi au niveau local, les dirigeants élus devraient, d’après Bahá’u’lláh, se considérer comme responsables du bien-être de toute l’humanité.
•Il sera nécessaire d’édicter des lois et de créer des institutions de nature et de portée universelles. En dernière analyse, la restructuration ou la transformation des Nations Unies conduira à l’établissement d’une fédération mondiale des nations qui disposera de ses propres organes législatif, judiciaire et exécutif.
Monsieur le Président, distingués délégués et représentants, ces thèmes, et d’autres thèmes relevant de l’élaboration d’une stratégie mondiale de développement, sont développés dans un document de réflexion intitulé Vers une humanité prospère. Vous l’avez peut-être déjà reçu des mains de l’un des bahá’ís présents (plus de 200) à ces deux manifestations historiques, ou vous l’aurez aperçu sur les tables du Bella Centre et du Forum ‘95 des ONG. Nous vous invitons à vous en procurer un exemplaire et à examiner son contenu.
Il y a un siècle, Bahá’u’lláh lançait aux peuples du monde un appel qui revêt aujourd’hui une signification particulière pour nous tous, rassemblés ici, à l’occasion du Sommet mondial pour le développement social et du Forum des ONG : « Soyez vigilants aux besoins de votre époque, et concentrez vos délibérations sur ses manques et ses exigences », disait-il. « Soyez unis dans vos délibérations, soyez unis dans vos pensées. »
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