Revue n° 37, 1999
La Commission des Nations Unies propose de nouveaux mécanismes pour la protection de la femme
NATIONS UNIES — Organe de l’Organisation des Nations Unies, la Commission sur la condition de la femme a longtemps été reléguée au second rang. Au début de son existence, la plupart des délégations gouvernementales de la Commission étaient menées par des hommes. Créée en 1946 pour promouvoir les droits des femmes, elle a peu attiré l’attention.
Les choses ont changé. La session de trois semaines qui s’est tenue en 1999 à New-York a attiré plus de 1 000 participants : des ministres, des hauts fonctionnaires, des directeurs des agences des Nations Unies ainsi que des centaines de représentants de grandes organisations non gouvernementales internationales.
Les activités de la Commission sont au premier plan des préoccupations et des dispositions prises au niveau international, incluant, comme cette année, la négociation et l’élaboration d’accords qui changent fondamentalement la façon dont les gouvernements traiteront sans doute les cas d’injustice à l’égard des femmes.
Plus précisément, la Commission a adopté par consensus un Protocole facultatif à la Convention sur toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Le protocole, qui doit être ratifié par les États avant d’entrer en vigueur, offre aux femmes, individuellement ou en groupes, la possibilité de porter plainte en cas de violation de leurs droits. Surtout, il permet à la Commission de la CEDAW, organe international de 23 experts établi par la Convention, d’ « enquêter » sur des cas de violations graves ou systématiques des droits des femmes.
Ces mécanismes de communication et d’enquête qui permettent à des femmes de se déplacer à l’intérieur des frontières nationales, suivent la voie tracée par d’autres instruments comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Toutefois, le protocole facultatif à la Convention sur toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes est « le premier mécanisme spécifique qui permet aux femmes de s’adresser individuellement et directement à l’ONU » dit Jane Connors, chef de l’Unité des droits des femmes de la Division de la promotion de la femme. « Dans les cas de violations des droits de la personne pouvant soulever un problème international, cette action ne peut être sous-estimée. »
L’adoption du Protocole facultatif a été saluée comme un succès pour les droits des femmes. « On continue toujours à croire que les menaces aux droits de l’homme concernent indifféremment les deux sexes mais nous savons que c’est faux » dit Patricia Flor qui présidait la Commission sur la condition de la femme. « Il en résulte notamment que des cas de discrimination flagrante et systématique ne sont pas pris en compte dans de nombreux pays... Le Protocole facultatif permet de recevoir les plaintes concernant les violations des droits des femmes. Il crée un mécanisme qui permet aux femmes de faire entendre leurs voix. »
Renforcement des mécanismes nationaux
La 43ème Commission a également examiné la question de savoir comment mettre au point des « mécanismes nationaux » afin de protéger les droits des femmes et d’améliorer leur condition. Composée de délégations de 45 gouvernements, elle a convenu que « des mécanismes nationaux sont nécessaires pour la mise en œuvre de la Plate-forme d’action de Beijing et que pour garantir leur efficacité, il fallait : des mandats clairs placés au plus haut niveau possible, des mécanismes de contrôle, un partenariat avec la société civile, un processus politique transparent, des ressources humaines et financières suffisantes et enfin un engagement politique fort et déterminé, qui sont autant d’éléments déterminants de leur succès ».
En particulier, la Commission a demandé instamment le renforcement de deux facteurs clés liés aux mécanismes nationaux : l’analyse des données et un financement adéquat.
« La question des mécanismes nationaux est la clé de voûte des 11 autres domaines recensés par la Plate-forme d’action de Beijing, car sans eux, il n’existe aucun moyen de vérifier les progrès dans les autres domaines » dit Bani Dugal Gujral, organisatrice du Groupe de travail sur les mécanismes institutionnels de la Commission sur la condition de la femme et directrice du Bureau pour l’avancement des femmes auprès de la Communauté internationale bahá’íe aux Nations Unies.
En ce qui concerne tant l’approbation du Protocole facultatif que les discussions sur l’amélioration des mécanismes nationaux, les ONG ont joué un rôle majeur.
« La création de mécanismes destinés à faciliter la mise en œuvre est un point que les ONG et les femmes ont demandé d’inscrire à l’ordre du jour, à Vienne en 93 puis à nouveau à Beijing en 95 » dit Donna Sullivan, professeur de droits de l’homme à l’Université de New York, faisant allusion à la Conférence mondiale sur les droits de l’homme tenue à Vienne en 1993 et à la Quatrième conférence mondiale sur les femmes tenue à Beijing en 1995.
« Ce protocole a reçu un appui international très large » ajoute le professeur Sullivan, membre du Groupe de travail sur l’élaboration d’un projet de protocole facultatif à la CEDAW. « Le soutien apporté a incité certains gouvernements, qui autrement auraient été réticents, à faire preuve d’un esprit constructif. Et ce sont les groupes féministes et d’autres groupes des droits de l’homme qui veilleront à ce qu’il soit ratifié. »
La ratification demeure une question importante. L’adoption du Protocole par la Commission sur la condition de la femme en l’état actuel des choses traduit seulement l’approbation générale et la volonté des États d’envisager d’accepter les dispositions contraignantes du protocole. Celui-ci n’est ratifié par un pays membre que lorsque suite à l’approbation du Parlement, son chef d’État notifie au secrétaire général des Nations Unies que son pays en accepte les dispositions. Il doit être ratifié par 10 États parties à la Convention avant d’entrer en vigueur.
Beaucoup pensent ici que le Protocole sera ratifié en temps voulu. « Il y a eu un accord de consensus, tous les gouvernements en ont accepté les termes » dit Mme Connors, membre de la Division de l’ONU pour la promotion de la femme. « On peut donc penser qu’il sera en grande partie acceptable. »
La CEDAW elle-même est entrée en vigueur dès 1981 après son adoption en 1979. « La Convention sur les femmes », comme on l’appelle parfois, garantit l’égalité des femmes et des hommes devant la loi et précise les mesures qui doivent être prises pour éliminer la discrimination.
Les autres travaux menés cette année par la Commission ont été centrés sur la préparation de la conférence « Beijing plus cinq », session spéciale de l’Assemblée générale prévue du 5 au 9 juin 2000 à laquelle seront passés en revue les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la Plate-forme d’action depuis son adoption à la Quatrième conférence mondiale sur les femmes tenue à Beijing en 1995.
La Commission a prolongé d’une semaine sa session, habituellement limitée à une semaine, afin d’examiner la Session spéciale appelée officiellement « Femmes 2000 : Égalité entre les sexes, Développement et paix pour le 21ème siècle. »
— Rapport de Veronica Shoffstall
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