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Revue n° 11, 1992

Un livre d’une actualité brulante


Un procès sans appel
Par Freidoune Sahebjam
Editeur Grasset
Paris, 1992

“Daneshvar, c’est ta dernière chance... Renonce à ta foi et je te libère sur le champ... Tu m’entends ? ”

Rahmat entendait vaguement quelque chose, mais ne comprenait pas. Tantôt, il secouait la tête de haut en bas, tantôt de droite à gauche. Puis il s’effondrait vers l’avant, retenu simplement par ses sangles.

Le Hojatoleslam Ghaffari était à moins d’un mètre de sa victime. Rahmat leva lentement son regard vers le religieux et après l’avoir fixé pendant quelques secondes, murmura, d’une voix à peine perceptible :

“Je le regrette... Je ne peux pas ”

Ce procès sans appel est celui qui a mis un terme au parcours tra­gique d’un héros imaginaire, Rahmat Daneshvar, Iranien de religion bahá’íe qui sous le gouvernement de la République islamique d’Iran est pris dans les filets de la justice à cause de sa confession.

Ce récit intime, foudroyant, fait revivre la parodie de justice qui aura mené peu à peu le héros vers une effroyable descente aux enfers.

Ecrit par un musulman, ce roman demeurera d’actualité, il est sorti de presse au moment même de l’exécution d’un innocent qui était membre de la comm­u­nau­té bahá’íe d’Iran.

L’auteur, Freidoune Sahebjam se confie :

« Quand au printemps 1955, une fois mes études universitaires terminées en Europe, j’arrivai pour la première fois de ma vie en Iran, une des émotions les plus vives que je ressentis alors fut la mise à sac et la destruction du Centre bahá’í de Téhéran, à quelques dizaines de mètres de la maison que j’habitais. Une foule hurlante et gesticulante, des généraux et des mollahs posant pour les photo­graphes, des applaudissements, des discours occupèrent une bonne partie de la journée les abords de l’ave­nue Villa et du carrefour Soraya.

A mes questions, il me fut répondu : “Ce sont des S... non-musulmans qui complotent contre le régime... il faut exterminer cette vermine... le Shah a raison…”

Depuis très longtemps, j’avais envie de rédiger un ouvrage sur la religion bahá’íe, que j’ai appris à connaître et à respecter au fil des années, comme je respecte toute autre confession monothéiste qui parle d’amour, de liberté, d’égalité et de justice sociale. Mais je ne souhaitais pas écrire un document prosélytique qui fasse la propagande de cette foi. J’en aurais d’ailleurs été incapable. D’autres ont su le faire, avec talent et conviction. Je voulais rédiger un texte à la portée de tous où, à travers les vicissitudes et les tourments d’un adepte du bahaïsme, le lecteur puisse connaître cette religion qui s’étend aujourd’hui sur les cinq continents après être née en Iran il y a 150 ans, et qui a eu ses martyrs et ses victimes.

J’aurai souhaité écrire un roman, produire un livre de mon imagination, mais les tourments de mon héros sont réels, son incarcération et sa parodie de procès authentiques, son assassinat aussi. Les bahá’ís d’Iran ont payé un très lourd tribut pour leur fidélité aux préceptes de Bahá’u’lláh, bien plus que toute autre religion non-islamique tolérée par le gouvernement de Téhéran. Massacrés sous les rois ghadjars pendant trois-quarts de siècle, humiliés, vexés et victimes de discriminations sous le règne des Pahlavi pendant une soixantaine d’années, tourturés et systématiquement éliminés depuis l’avènement de la République islamique -l’abominable meurtre de Bahman Samandari en avril dernier en est une preuve éclatante- les bahá’ís souffrent aujourd’hui comme souffraient autrefois les minorités religieuses dans l’Allemagne nazie ou l’Italie fasciste. A l’aube du XXIème siècle, une telle violation des droits les plus élémentaires d’hommes et de femmes n’est plus tolérable. Un cri d’alarme doit être lancé : j’ai tenté, modestement et avec humilité, de le faire. »

Par le don de sa plume, la sincérité et le courage de sa démarche M. Sahebjam a plus que lancé un cri d’alarme, il a su contribuer à combattre l’indifférence et à insuffler la compassion. N’est-ce pas un hymne à la vie ?

Freidoune Sahebjam est journaliste et collabore régulièrement avec de grands médias européens. Il est l’auteur de “Je n’ai plus de larmes pour pleurer” (Grasset, 1985) et “La femme lapidée” (Grasset 1990).



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Dernière mise à jour le 11/10/2024